calfeutrement anti incendie

Calfeutrement : le rôle primordial d’un métier peu connu

Peu connu, le calfeutrement de pénétration pour lutter contre l’incendie n’en reste pas moins stratégique pour la sécurité des personnes et des biens.

Après les fermetures coupe-feu, nous mettons à l’honneur leur complément naturel, le calfeutrement, domaine encore peu connu, mais pas moins stratégique pour la sécurité des personnes et des biens. Car le respect scrupuleux de la réglementation, la connaissance des produits et la maîtrise de l’application conditionnent, en effet, la pertinence et l’efficacité des solutions mises en œuvre. Une évidence pas forcément partagée par tous les acteurs qui, du fabricant à l’exploitant en passant par l’applicateur, prennent une part de responsabilité dans la protection des bâtiments contre le risque d’incendie. A quelles obligations les professionnels du calfeutrement sont-ils tenus ? De quels moyens dispose-t-on aujourd’hui et comment orienter son choix ? Qui intervient sur le marché du calfeutrement, et avec quels atouts et nouveautés ?

Les pages qui suivent tentent de répondre à ces interrogations, sans prétendre à l’exhaustivité, dans cet univers très particulier du calfeutrement, aussi riche que diversifié par les technologies, les produits et les prestations proposés.

La règle, l’art et la matière

Le souci de conformité est au coeur du calfeutrement, lui-même aligné sur les impératifs de compartimentage des bâtiments, cette sectorisation constituant des volumes chacun “étanches”, afin de limiter la propagation du feu aux autres volumes. Un confinement qui exige des parois verticales (sur un même niveau) ou horizontales (entre niveaux) qu’elles satisfassent à des exigences réglementaires en termes de résistance au feu. Laquelle est définie par le Code de l’urbanisme, le Code de la construction et de l’habitat pour les immeubles d’habitation et les immeubles de grande hauteur (IGH), le Code du travail et les Arrêtés préfectoraux pour les locaux professionnels et, enfin, par le Règlement de sécurité contre le risque d’incendie pour les établissements recevant du public (ERP).

La résistance au feu des éléments de construction, tout comme la réaction au feu des produits, sont testées en laboratoire dans des conditions précises, et validées par des procès-verbaux (PV) d’essais au feu, définissant leurs performances pare-flammes et coupe-feu pendant une durée donnée, allant de 15 minutes… à 6 heures.

La résistance, ou capacité d’une séparation à résister pendant la durée en question, s’apprécie selon trois critères :

la stabilité au feu, critère purement mécanique ;

la propriété pare-flammes (PF ou E selon la nouvelle terminologie), qui ajoute à la stabilité mécanique, le critère d’étanchéité aux flammes et aux gaz ;

la propriété coupe-feu (CF ou EI), qui complète la propriété pare-flammes par une exigence d’isolation thermique.

Les 3 catégories de la classification française, Stable au feu (SF), Pare-flammes (PF) et Coupe-feu (CF) trouvent aujourd’hui leur correspondance dans 3 Euroclasses de résistance au feu : Résistance mécanique ou stabilité (R), Etanchéité aux gaz et aux flammes (E), Isolation thermique (I), laquelle complète toujours une classification R ou E.

Quant à la action au feu des composants, autrement dit leur aptitude à s’enflammer et à propager un incendie –de M0 pour les produits incombustibles à M5 pour les plus facilement inflammables-, elle fait aussi l’objet d’Euroclasses qui intègrent désormais deux autres critères : d’une part, l’opacité des fumées, d’autre part, les gouttelettes et débris enflammés, facteurs de propagation d’un incendie.

Bref, des données qui entrent dans le bagage élémentaire du spécialiste du calfeutrement, soucieux d’opérer à bon escient. Car, les réserves et ouvertures pratiquées dans les parois pour assurer le passage des câbles et chemins de câbles, des tubes métalliques (acheminant l’eau, la vapeur, l’air comprimé), et des tubes thermoplastiques (PVC, polyuréthane, ou polyvinyle), pour l’évacuation des eaux usées, constituent, en cas d’incendie, autant de dangers potentiels pour les personnes et les biens si les produits et systèmes de calfeutrement ne satisfont pas les exigences de la réglementation, ou si leur mise en œuvre n’est pas conforme aux règles de l’art.

La fumée, les gaz toxiques, la perte de visibilité, la pyrolyse de certains matériaux à température élevée, ont tôt fait de mettre les vies en péril si la restauration de la résistance au feu n’est pas au rendez-vous, sans compter un risque de combustion vive dans les cas extrêmes.

Volonté des uns, inertie des autres

C’est le rôle du calfeutrement, dit « de pénétration » pour les parois traversées, et « de joint », pour les surfaces, que de restaurer le degré de résistance au feu exigé dans chaque cas.

Les systèmes de calfeutrement de pénétration auront donc un double objectif : compenser les volumes laissés libres par les éléments traversants fusibles, mais aussi ralentir la transmission de chaleur assurée par les éléments métalliques. Lesquels doivent rester en place pendant la durée assignée de résistance au feu.

Mais l’objectif du spécialiste ne s’arrête pas là. Qui veut réussir un calfeutrement de pénétration devra intégrer trois nécessités. D’abord, prendre en compte la nature des éléments traversants (câbles, chemins de câbles, tuyauteries plastiques ou métalliques), mais aussi le taux d’occupation de ces éléments dans l’ouverture ou la trémie, pourcentage généralement élevé lorsqu’il s’agit de câbles. Ensuite, considérer la nature et l’épaisseur de la paroi traversée, sans occulter les éventuelles difficultés d’accès, qui peuvent, elles aussi, conduire à privilégier un procédé plutôt qu’un autre. Enfin, suivre les recommandations du maître d’ouvrage, sans omettre les contraintes spécifiques telles que l’obligation d’interventions répétées sur les traversées, la dangerosité de certains rejets gazeux, ou bien encore, les impératifs de protection liés à l’environnement : milieu ionisé, etc.

Concrètement, les procédés de calfeutrement utilisent l’une et/ou l’autre des propriétés suivantes : l’endothermie (l’absorption de chaleur par les mortiers par exemple), l’intumescence (gonflement de mousses ou rubans sous l’effet de la chaleur), et l’ablation (formation d’une couche protectrice, également générée par la chaleur). Nous les classerons en six catégories :

les mortiers coupe-feu ;

les panneaux de laine de roche, enduits d’un revêtement intumescent ou ablatif ;

les sacs contenant un isolant thermique ;

les blocs souples en matériau thermique isolant ;

les mastics, les pâtes malléables et les enduits, (le plus souvent associés aux produits qui précèdent) ;

les systèmes métalliques de traversée, à obstruction provisoire  automatique ou non.

« Quelle que soit la solution adoptée, souligne Philippe Salez, expert en protection passive contre l’incendie, le respect de la conformité aux procès-verbaux d’essais au feu, et des consignes d’utilisation portées sur les fiches techniques des fabricants, est le premier garant d’un bon calfeutrement. » Mais, dans les faits, les produits bénéficiant de PV délivrés par des laboratoires agréés cohabitent avec d’autres produits aux labels parfois exotiques, et aux équivalences douteuses, tandis que leur mise en œuvre  laisse parfois à désirer. Surtout pour ceux dont la mise en œuvre apparaît comme la plus aisée, alors qu’ils sont les premiers à exiger une parfaite maîtrise de l’application.

La conformité, clé de la réussite

Selon l’Arrêté ministériel du 22 mars 2004, la résistance au feu des produits et éléments de construction peut être déterminée par une ou plusieurs des approches suivantes :

Essai conventionnel, donnant lieu à un domaine d’application directe ;

Procès-verbal attestant des performances de résistance au feu ;

Procès-verbal établi par un laboratoire agréé dans des conditions prédéfinies, en cours de validité (PV d’après essai ou par analogie, avec extension d’un PV existant).

Cet Arrêté intègre les dispositions européennes du calfeutrement coupe-feu en vue d’une harmonisation des procédures d’essai au niveau européen, se substituant ainsi, en partie, à un précédent arrêté, en date du 3 août 1999.

On retiendra que les dispositifs testés en laboratoire le sont avec des câbles sans électricité ou des canalisations sans fluides, sur des parois constituées d’éléments de maçonnerie ou de béton. Le montage des systèmes de calfeutrement sur chantier devra donc être identique à celui testé. C’est-à-dire appliqués sur des parois de béton, des maçonneries, parpaings, et briques pleines, de densité et d’épaisseur au moins égales à celles des produits testés. A noter aussi que la résistance au feu est déterminée par la mesure de la température en différents points des traversants, du calfeutrement lui-même, et sur la face du support non exposée au feu. Ajoutons pour terminer que, d’une manière ou d’une autre, les produits testés devront assurer à froid l’étanchéité aux fumées et, à chaud, l’étanchéité aux flammes (même en cas de disparition de l’élément traversant), ainsi que l’isolation thermique entre les deux faces du recoupement coupe-feu.

Précis sur bien des points (résistance au feu, modalités d’essais par les laboratoires agréés, etc.), ces différents textes réglementaires n’instaurent pas pour autant le principe de missions de contrôle spécifiques au calfeutrement…

 

Prise de conscience et lobbying

Cette situation évolue toutefois, grâce à la conjonction de trois facteurs. D’abord, une réglementation de sécurité incendie peu à peu plus complète et contraignante, aux couleurs européennes. Ensuite, l’effort individuel des professionnels du calfeutrement pour mieux informer et former les équipes de pose et de maintenance. Enfin, l’action fédératrice de certains organismes professionnels, à commencer par le GTFI, Groupement Technique Français contre l’Incendie. Un groupement qui milite activement en faveur d’un service de qualité, à travers une charte et des opérations embrassant l’ensemble des aspects du calfeutrement. Et cela, depuis le respect de la réglementation jusqu’à la promotion des principes et pratiques de mise en oeuvre, en passant par l’information de la clientèle et la nécessité d’un diagnostic préalable à la prescription. Sans oublier une autre nécessité, volontiers omise : le contrôle de conformité et la formation technique permanente des intervenants.

« Le lobbying très actif du GTFI, souligne Philippe Salez, aura permis de mettre en lumière le rôle capital du calfeutrement, l’existence d’un véritable métier, en montrant que seule la prise en compte de toutes les dimensions du calfeutrement garantit la qualité de service que chaque membre du groupement appelle de ses voeux ». Une mission difficile car les acteurs du marché sont nombreux et issus d’horizons fort divers où la culture-feu n’est pas fortement installée.

Plus de 200 entreprises opèrent, en effet, sur le marché hexagonal du calfeutrement, en sachant que, si cette spécialité est une vocation pour les uns, elle peut être très annexe pour d’autres.

Quatre profils d’acteurs peuvent être distingués :

Les fabricants, implantés en France, qui commercialisent leurs produits, soit directement, soit par le canal de distributeurs et de distributeurs-applicateurs ;

Les importateurs, exclusifs ou non ;

Les distributeurs et revendeurs, dont une fraction assure l’application des produits ;

Les sociétés dont l’application est l’unique activité.

Du côté des donneurs d’ordre, une évolution est également souhaitée. Moins encore que pour les fermetures coupe-feu, les travaux de calfeutrement  font l’objet d’un lot séparé dans la rédaction des cahiers des charges, ni même de consignes particulières. Vieille habitude qui n’est pas pour favoriser la salubrité du marché ni le choix le plus pertinent des solutions et des prestataires qui les mettent en œuvre. Chacun, pourtant, gagnerait à ce changement : les donneurs d’ordre, leurs sous-traitants et le client final dont la sécurité du bâtiment ne pourrait qu’être renforcée.

DOSSIERS  • 11-12-2009 – Extrait du site :

http://www.info.expoprotection.com/?IdNode=1309&Zoom=25a70bbf14de8e5981dda2fe6aca34ab